Tuesday, August 31, 2010

Pékin

La porte d'avion s’ouvre - musique de 2001 Odyssée de l'espace. J’empoigne mon bagage à main et me dirige d’un pas décidé vers le terminal. Je marche rapidement sur la pointe des pieds tentant de voir par-dessus la masse mi-chinoise, mi-étrangère qui se suit sur la passerelle. Je m’apprête à frapper le mur compact d’une foule digne d’un des plus gros aéroports du monde, mais…

Vous savez ce sentiment de trahison qu’on ressent parfois lorsqu’on se trouve devant quelque chose qui devrait clairement être différent… Le repas au restaurant qui ne ressemble aucunement à la photo du menu, le gars rencontré en ligne qui vous disait qu’il ''paraissait bien'', le pull grandeur médium commandé sur internet qui est inévitablement un x-small…vous savez ce sentiment de fraude?  Et bien, c’est exactement ce que je ressens lorsque je mets finalement les pieds dans les corridors ultra-modernes, et ultra-vides de l’aéroport de pékin. Après un vol de 12h, sans télévision (mon écran est le seul défectueux de tout l’appareil…) et avec les genoux confortablement appuyés sur le banc du passager devant, j'espérais des trompettes, un clown, un orchestre, quelque chose!  Mais non, la section des arrivées de l'aéroport de Pékin est totalement déserte.

Avant de récupérer mes valises, je décide de faire un arrêt rapide par les salles de bain où je fais ma première rencontre avec les populaires toilettes turques chinoise (rebaptisés à l’avenir ''le trou''). Parce que nous sommes toujours techniquement en zone internationale, j’ai encore le choix de plutôt utiliser une bonne vieille ''western toilet'', d’ailleurs indiquée sur la porte par un dessin de la cuve, alors je décide de reporter la confrontation Andréanne-trou lorsque je serai moins fatiguée. En sortant du cabinet, je fais ma première rencontre avec une authentique concierge chinoise et lui fait mon plus beau sourire en chantonnant un ''Ni Hao'' à l’accent canadien. Elle n’a probablement jamais vu une cliente aussi satisfaite de sa visite au petit coin!

Je m’empare ensuite de mes valises et roule tranquillement mon chariot vers la douane. Ce qui j’imaginais être une expérience des plus envahissantes et méthodique (je voyais déjà le douanier enfoncé jusqu’aux coudes dans mes sous-vêtements) n’est qu’un petit comptoir devant lequel tous les passagers défilent, priant ne pas avoir le profil recherché par les agents chinois. Espérant ne pas me faire apostropher, je sifflote en traversant les portes vitrées qui mènent aux arrivés et c’est là que j’ai finalement mon premier contact (impact) avec la population chinoise.  Des dizaines de personnes brandissent des pancartes avec des noms anglais, des familles se réunissent dans un vacarme incompréhensible (pour mon oreille du moins), la foule se presse et c’est à ce moment que je repère MON petit monsieur. Il se tient au milieu des autres chauffeurs et regarde avec curiosité les voyageurs pour trouver ''Andréanne Clot'' (pancarte bien orthographiée : Chine 1).  Ce qui n’est pour lui à ce moment précis qu’un mélange de lettres, se transformera bientôt en une grande voyageuse blonde qui parle beaucoup trop et qui ne peut attendre un instant de plus avant d’essayer son mandarin sur un ''vrai'' chinois (à l’opposé du micro de mon ordinateur qui ne tient pas une très bonne conversation). Je me plante devant lui (Andréanne : ''Ni hao'', Chauffeur : ''Ni Hao'') et regarde son sourire prendre des proportions inattendues alors qu’il croit se tenir devant une véritable étrangère qui parle sa langue… Il s’emballe aussitôt et enchaîne avec une réplique beaucoup trop avancée pour mon médiocre niveau de mandarin. Ma mine renfrognée de fille qui cherche à reconnaître le premier mot de la phrase lui indique que ''Minute papillon, ça ne sera pas si facile que ça''. Rapidement revenu sur terre, il me dit ''Come'' et je le suis pendant qu’il pousse difficilement le chariot contenant mes 3 valises vers l’extérieur du terminal. Alors que nous attendons le petit autobus qui nous amènera à l’hôtel, il tente d’amorcer une conversation polie dans sa langue. Je reconnais les formules de bases, mais après qu’il m’ait demandé à trois reprises ''Ni hao ma? – Comment vas-tu'', nous décidons d’un commun accord non-verbal que ce n’est pas cette conversation qui nous rendra nécessairement BFF alors vaut mieux attendre en silence. Les minutes passent, et passent, et passent et toujours aucun signe de l’autobus. Je décide de prendre la situation en main (comme seule une touriste muette peut le faire!) et tente de lui demander à quelle heure nous attendons le transport. Tout en faisant des bruits de voiture avec ma bouche et des coups de volants imaginaires, je pointe sa montre, ma montre, son cellulaire, le soleil. Lorsque je suis en nage pour cause de 90% d’humidité et que 10 minutes de mime effrénée ne provoquent aucune réaction chez le jeune homme, j’arrive à la généralisation que les chinois ne sont pas très forts en non-verbal. (Mémo personnel : Ne jamais me mettre en équipe avec un chinois pour une partie de Cranium!). Alors que j'immite la pose d’attente du conducteur en fixant Pékin au loin, pour la première fois depuis mon départ de la maison, le doute commence à s’installer que mon année en Chine ne sera peut-être pas ''a piece of cake'' comme je l’imaginais...

Vingt minutes plus tard, nous nous entassons dans le mini-van et prenons la direction de l’hôtel où je passerai la nuit avant mon second vol vers Zhengzhou. Comme n’importe quel touriste pourra vous le raconter, la conduite chinoise tient plutôt des autos-tamponneuses que de la véritable circulation logique. Ce n’est pas la même chose qu’en Amérique du Sud où les conducteurs cassent-cou sont tout de même des experts pour éviter les collisions. En Chine, on dirait que les gens utilisent plutôt la technique tout le monde se ferme les yeux et appuient sur l’accélération.  À travers les lignes, en sens inverse, par la droite, la gauche, tout le monde se coupe et se klaxonne dans une grande cacophonie dangereuse qui vous rappelle les 15 secondes avant l'accident de la pub sur l’importance de boucler sa ceinture.  En chemin, je tente d’observer mes alentours, mais  la conduite du chauffeur qui semble vouloir récolter le plus de points possibles (Piétons effrayés : 10 points, Voiture frôlée : 25 points, Conduite sur le trottoir : 15 points, etc.) me force à fixer avec toute mon attention la route. Je découvre du coin de l’œil des petites rues décorés de lanternes rouges, plusieurs motos supportant des cabines avec des passagers, des vendeurs de fruits, des écoliers en uniforme, un nombre impressionnant de vélo... Cependant, ce qui attire le plus mon attention est l’odeur. Parfois c’est un mélange d’humidité, de fruits mûrs et de poussière, d’autres fois, c’est des arbres en fleurs et de la sueur et 100 mètres plus loin, c’est l’odeur de la viande grillée qui domine les environs. Mon odorat est complètement chamboulé par le mélange d’effluves qui m’assaille et je passe une bonne partie du trajet à alterner entre me recroqueviller de dégoût sur la banquette arrière ou sortir la moitié de mon visage par la fenêtre pour trouver la source de l’odeur agréable.  La Chine est bruyante, bondée, mais surtout odorante!

Le jeune homme de l’aéroport ouvre la porte du mini-van et me guide vers la réception de l’hôtel. Craintive après ma première discussion non-concluante avec un chinois, je m’approche de la réceptionniste avec précautions. À mon plus grand soulagement, elle parle un peu anglais et après les formalités d’arrivée, j’ai accès à ma chambre pour un rafraîchissement bien mérité. Une heure plus tard, perdue dans mes pensées au restaurant de l’hôtel, j’essai d’imaginer ce que sera ma vie pendant les 9 prochains mois à la lumière de mes premières impressions chinoises. Ce que je ne sais pas alors que je tente d’agripper avec mes baguettes des nouilles glissantes et boit goulûment ma Tsingstao, c’est que la réalité découverte à Pékin ne me préparerait aucunement à ce qui m’attendait à Shangqiu.

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