Friday, June 15, 2012

Inédit: La mort à l'étranger

Voici une partie de mon expérience en Chine que j'avais décidé de ne pas inclure dans mon blogue au moment où c'est arrivé. Un très gros ''pensez-y bien'' lorsque vous déménagez à l'étranger...

 
Peu importe dans quelle ville vous vous trouvez, lorsque vous emménagez dans un nouvel appartement vos voisins sont habituellement simplement des connaissances sans trop grand impact sur le déroulement de votre quotidien. Au mieux, vous faites connaissance et profitez parfois de vos relations pour emprunter quelques items ménagers, mais vos interactions restent banales. Cependant, lorsque vous décidez d’accepter un travail à l’étranger et de déplacer votre vie à des milliers de kilomètres de la maison, les gens que vous rencontrez dans votre nouvel environnement deviendront rapidement part entière de votre vie de tous les jours. La promiscuité créée par un fort désir d’appartenance tisse des liens allant bien au-delà d’un simple échange de bons services entre voisins et des amitiés solides se forgent. Qu’arrive-t-il alors lorsque le malheur frappe et que vous êtes soudainement responsable de faire respecter les dernières volontés d’un parfait étranger? 

Lors de ma première semaine de travail, je rencontre mon voisin de palier, Terry, un enseignant américain de 53 ans faisant partie de la poignée d’expatriés vivant à Shangqiu. Au fil de nos discussions et de nos sorties en ville, nous nous découvrons quelques intérêts communs qui suffisent à faire naître une belle complicité, malgré une différence d’âge qui pourrait en contexte normal, poser une barrière considérable à notre amitié. Après tout, nous ne sommes que six étrangers travaillant pour l’école alors nous restons solidaires et mon acceptation dans le groupe est naturelle.  Chaque jour, il m’attend au retour du travail pour discuter de mon expérience en classe et échanger quelques conseils de vétéran, car il travaille dans la ville depuis maintenant six ans. Après quelques visites chez lui, il me présente le jeune Lechung qu’il héberge dans son appartement, s’assurant ainsi la présence d’un traducteur à portée de main et d’un ami fidèle qui semble toujours prêt à faciliter nos sorties en ville et nos échanges avec les habitants de Shangqiu. Cependant, à force de côtoyer les deux colocataires, je commence bien à me douter que leur relation est beaucoup plus forte qu’une simple amitié, mais l’homosexualité étant tabou en Chine, je décide de ne pas partager mes réflexions. Au fil des semaines, Terry commence à se plaindre d’un mal de dents et envisage de se rendre à Shanghai avec Lechung pour visiter un dentiste étranger.

Vendredi matin, je suis au beau milieu de ma leçon lorsque mon téléphone cellulaire sonne. Gênée d’avoir oublié d’éteindre la sonnerie, je m’empresse d’ignorer l’appel de Lechung croyant qu’il souhaite m’inviter à dîner et décide de le rappeler plus tard. Ce n’est que lorsque je retourne à mon appartement que je remarque que quelque chose ne va pas. Devant la bâtisse sont stationnés une dizaine d’auto-patrouilles chinoises et mon amie canadienne m’attend à l’écart de la foule. La voix brisée par l’émotion, elle m’apprend la nouvelle qui bouleversera notre petite communauté d’expatriée : Le matin même, Terry a été retrouvé mort dans son appartement par Lechung. En état de choc, nous marchons toutes les deux vers la foule qui se multiplie devant mon édifice. Entre les policiers qui s’affairent à créer un périmètre pour contrôler efficacement une situation qu’ils n’ont jamais vécu, de plus en plus de curieux s’entassent dans la petite ruelle pour être témoin de la scène. Tout à coup, mon amie devient extrêmement agitée et s’élance avec force vers un policier qui tente de guider une équipe de la télévision chinoise sur la scène de l’accident. Elle veut empêcher à tout prix que la mort de notre compatriote soit tournée en phénomène de foire. Alors qu’elle mène une discussion agitée avec le chef de la police chinoise afin d’établir un quelconque protocole, j’aperçois Lechung au milieu de la foule, complètement perdu et bouleversé. Les autorités de l’école sachant qu’il était proche de Terry, sans toutefois connaître l’étendue de leur relation, le bombarde de questions et lui demande d’agir en tant qu’interprète. Le pauvre jeune homme, ne sait plus où donner de la tête, complètement paralysé par son deuil. Je m’approche de lui et glisse mon bras autour de sa taille pour lui apporter un mince réconfort dans ce moment catastrophique. Personne ne sait la raison exacte de la mort de Terry, mais tous les signes semblent pointer vers une crise cardiaque. Exceptionnellement, la veille Lechung avait décidé de dormir dans le dortoir pour terminer un travail et la culpabilité d’avoir peut-être pu sauver son compagnon s’il avait été présent, l’atteint profondément.

Finalement, on me demande de rejoindre mon appartement et lorsque j’arrive chez moi, je remarque qu’une trentaine de policiers sont entassés dans le logement de Terry, quelques-uns effectuant l’enquête, mais la plupart seulement curieux de voir de leurs propres yeux la demeure d’un étranger. Frustrée et impuissante, je m’assois dans mon salon et écoute à travers la porte le va et vient des enquêteurs. Quelques heures plus tard, la dépouille de Terry est transportée à la morgue, mais ce n’est que la première étape d’une saga complexe qui mènera finalement à son rapatriement, presque quatre semaines plus tard.

Le lendemain matin, on cogne à ma porte à l’aube et Lechung n’ayant visiblement pas dormi de la nuit me demande s’il peut entrer. Je lui offre une tasse de thé et nous nous assoyons en silence, préférant partager par des regards toute la détresse qui l’habite. En quelques heures son univers vient de basculer et en demandant la compagnie d’une étrangère, il cherche à retrouver quelques bribes de l’environnement familier dont il avait l’habitude avec Terry. Je comprends qu’il a perdu en une seule nuit son ami le plus proche et son partenaire de vie qui lui permettait d’imaginer un futur bien différent de celui des jeunes chinois de son âge. Il sera maintenant forcé de réintégrer la communauté étudiante et il perdra tous les privilèges auxquels il avait droit par l’entremise de sa relation avec un étranger. Plus tard dans la journée, il reste à mes côtés alors que la police locale me fait subir un interrogatoire pour éclaircir les circonstances de la tragédie.

 Dans les semaines qui suivent, mes amis canadiens entrent en contact avec la famille du défunt, mais étant donné qu’aucun des membres ne peut se déplacer en Chine pour récupérer la dépouille, nous sommes mis en charge de nous occuper de l’attribution de ses biens et des funérailles chinoises. L’ambassade canadienne à Pékin tente de nous aider du mieux qu’elle le peut à organiser le rapatriement du corps, mais la bureaucratie chinoise est extrêmement complexe et le processus laborieux semble s’immobiliser à chacune des étapes. Malheureusement, l’accident de Terry  est inattendu et il n’aura laissé aucune instruction en cas de problème médical. Nous sommes donc laissés à interpréter sa volonté en décidant des détails de sa succession et de ses funérailles. Une chose est certaine, pour lui, toute sa vie était à Shangqiu et il aurait voulu que la majorité de ses effets personnels aillent à Lechung afin de lui permettre de vivre une vie meilleure. Aux États-Unis, la famille de Terry décide aussi qu’il vaut mieux léguer ses possessions matérielles au jeune chinois et ne demande qu’à recevoir quelques items personnels en mémoire du défunt. Le passage de Terry à Shangqiu aura changé la vie de plusieurs et c’est par une cérémonie sobre où les traditions des deux pays sont respectées que nous lui  payons nos derniers respects.  Finalement, c’est sans autopsie que ses cendres seront renvoyées aux États-Unis où sa famille pourra enfin vivre son deuil.

Lorsqu’on accepte un emploi à l’étranger, on imagine toujours vivre une expérience unique mais en pensant rarement qu’un accident inattendu pourrait nous empêcher à jamais de remettre les pieds au pays. J’aimerais vous dire que l’histoire de Terry a encouragé l’adoption de procédures plus rapides pour le rapatriement des étrangers de Shangqiu, mais sans la détermination de mes collègues canadiens et leur travail acharné, son décès aurait probablement été laissé aux mains de la bureaucratie chinoise et qui sait combien de temps aurait passé avant que la famille ne puisse vivre son deuil. Pour moi, la mort de Terry a signifié le départ d’un ami cher et le début d’une recherche de nouveaux points de repères dans ma communauté sans ce mentor qui avait été si généreux de sa présence. L’incident a surtout déclenché un dialogue au sein de notre groupe d’expatrié sur l’importance, pour chacun d’entre nous, de la mise en place d’un réseau en cas d’urgence et d’une procédure à suivre si le malheur venait aussi à nous frapper. Je dois dire qu’il n’y a pas un seul jour passé à Shangqiu où je n’ai pas eu une pensée pour mon voisin de pallier lorsque je suis entrée dans mon appartement et que j’ai vu la porte de son logement. En ce matin d’octobre, la vie de Lechung aura aussi basculé à tout jamais, lui faisant perdre la seule personne qui acceptait un mode de vie tabou dans son pays où l’amour entre deux hommes ne sera jamais reconnu comme plus que de l’amitié. Aux yeux de notre communauté universitaire, il a perdu une figure paternelle, mais je saurai toujours qu’il ne pourra jamais avouer à personne avoir perdu son premier amour. À ce jour et pour plusieurs années à venir, l’appartement de Terry restera inhabité en sa mémoire. 

Saturday, April 28, 2012

Pssstt....

Parce que ce deuxième voyage en Chine a été complètement différent de mon année à Shangqiu, j'ai décidé de repartir à zéro et de créer un nouveau blogue. Je vous laisse donc découvrir Le retour en Chine, où vous pourrez lire le récit de notre voyage mère-fille et enfin savoir... 1) Combien de temps est-il possible de rester dans un autobus plein de paysans chinois avant de tenter de se sauver par la fenêtre, 2) La randonnée de nuit en flanc de montagne vaut-elle vraiment le coup? 3) Le nombre exact de cerfs de Virginie qu'il est possible de faire entrer dans un enclos du zoo de Kunming, 4) Ce qu'on apprend dans un cours de cuisine chinoise... et autres recettes faciles, 5) Le Tiger Leaping Gorge est-il le pire endroit du monde pour avoir la gastro? 6) Quelle est la chanson la plus populaire de la ville de Lijiang et pourquoi je m'en souviendrai sûrement le jour de mes noces, mais surtout..

Un an plus tard, qu'est-ce qu'il reste de Shangqiu, ses habitants et nos aventures.

Bonne lecture!

Andréanne

Tuesday, April 3, 2012

Une mère, une fille, des baguettes - La Chine, prise 2

Qu’arrive-t-il quand vous faites la lecture d’un roman pour la seconde fois? Ou alors, quand vous écoutez un film de nouveau? L’histoire n’ayant plus aucun secret à livrer, du moins au niveau des grands rebondissements, vous décidez de vous concentrer plutôt sur les détails. Vos sens et votre attention sont décuplés afin de dénicher des aspects qui vous auraient échappés à la première lecture – vous donnant par le fait même une raison valable de vous être replongé dans l’histoire une seconde fois.  Mais tout est question de point de vue, car pour certaines personnes l’idée de relire un roman est inutile; ils en connaissent déjà la fin et veulent plutôt être émerveillés par une nouvelle histoire. De mon côté, je n’ai aucun problème à prendre des vieux romans de ma bibliothèque et à les lire encore et encore… parce que quand j’aime quelque chose, c’est pour de bon et le revisiter me permet de revoir l’histoire sous un nouveau jour, appréciant finalement les péripéties sans m’inquiéter de l’issue du récit! Bon, je sais que vous êtes ici pour lire sur la Chine, mais, ne vous inquiétez surtout pas, il y a un but à cette métaphore…  

Je vous emmène donc il y a quelques mois alors que j’étais assise dans un restaurant avec ma mère, faisant le point sur mon expérience en Chine. Ma vie maintenant drastiquement différente et beaucoup plus stable me faisait examiner mon expérience sous un nouveau jour. Y avait-il des regrets, des remords ou quelque chose que j’aurais changée?  Pas vraiment… mais semble-t-il que ma mère, elle, gardait un seul regret face à mon expérience : ‘’ Tu sais Andréanne, la seule chose qui me dérange dans tout ça, c’est que je ne suis pas allée te voir en Chine. C’est probablement la seule fois de ma vie où j’aurais pu le faire…’’. Mais était-il vraiment trop tard?
Quelques jours plus tard, ma mère et moi achetions, sur un coup de tête, un billet qui nous amènerait de Shanghai à Pékin en trois semaines au début du printemps. Oui, le projet était ambitieux, car notre itinéraire nous ferait voyager du littoral, jusqu’à la frontière du Tibet dans la province du Yunnan, pour ensuite revenir jusqu’à la capitale… sans oublier un petit détour par Shangqiu. En 24 jours, nous allions visiter 10 villes*, couchant deux nuits maximum dans le même lit, prenant 3 vols internes et plusieurs trains. Bref, nous allions véritablement voir la Chine… sac à dos et caméra en bandoulière obligatoire!

(* Pour les connaisseurs… Shanghai – Hangzhou – Huang Shan – Kunming – Dali – Lijiang – Xi’an – Zhengzhou – Shangqiu – Pékin. )   

Ce qui me ramène donc à mon premier point. À quoi devrai-je m’attendre lors de ma seconde visite du pays qui m’a tant fait vivre d’émotions contradictoires. Malheureusement, je ne peux pas me fier à la littérature pour me donner des pistes de réponse, car on n’a jamais demandé à Tintin de retourner au Tibet! Ça ferait d’ailleurs une b.d. plutôt ennuyante où il passerait son temps à raconter au Capitaine ce qu’il a fait lors de son premier passage dans le pays… (‘’Sacrebleu, la viande de Yak a décidément perdu de sa qualité!’’).

Heureusement, comme pour la deuxième lecture d’un livre, je connais déjà la fin : Notre expérience sera inoubliable et profondément marquante. Mais les petits détails et péripéties qui feront de notre voyage une expérience unique – impossible à comparer avec mon premier passage en Chine – restent à découvrir!  C’est véritablement un luxe et une chance sans pareil de pouvoir retourner dans ce pays où je pensais avoir mis les pieds pour la première et dernière fois. La Chine est mystérieuse, magnifique et vibrante mais elle est aussi épuisante, parfois frustrante et sans contredit insalubre. Cette fois-ci, l’exploratrice a aussi changé… les petites manies chinoises irritantes que j’avais l’habitude d’ignorer reviendront-elles me faire sortir de mes gongs ou pourrai-je retrouver mon tempérament stoïque si durement acquis comme on glisse dans de vieilles pantoufles? Et la question la plus importante demeure : Ai-je déjà perdu la flexibilité qui me permettait d’utiliser les toilettes chinoises avec succès?
Je vous invite donc à suivre nos péripéties; une mère et une fille à la (re)découverte de certains terrains connus, mais aussi de plusieurs nouveaux défis et obstacles. Alors que l’une explore pour la première fois le géant asiatique, la seconde ré-apprivoise la bête qui aura certainement beaucoup changé au cours des 9 derniers mois. Premier arrêt Shanghai…

Wednesday, June 22, 2011

Épilogue: La réalité

La réalité de tout voyage est qu'il doit inévitablement tirer à sa fin. Plus vite on l’accepte et plus facilement il est possible de passer à autre chose et de souvent se trouver une autre aventure. Au fil d'arrivé, il nous reste des tonnes de photos, des souvenirs, des cartes, des récits (bonnes ou mauvaises expériences) et c'est à chacun d'entre-nous de décider ce qu'on en retirera. Certains personnes décident de se poser et de considérer leur expérience de voyage comme des vacances ou une belle folie de jeunesse avant de commencer leur vie. D'autres préfèrent plutôt reprendre tout de suite la route pour ne pas perdre de temps dans leur exploration des confins reculés de la planète et peut-être aussi de peur de figer au même endroit et de ne plus avoir le ''luxe'' de repartir. Personnellement, depuis mon retour, je me trouve à la croisée des chemins. D'un côté, il serait tellement facile de choisir une autre destination, de refaire ma valise et de partir au mois de septembre, mais d'un autre côté (et c'est ce qui semble me demander encore plus de courage) je pourrais aussi me faire un chez-moi, au départ pour quelques mois, quitte à voir ce qui peut ensuite arriver... Je ressens ce besoin d'être près de ma famille et de ne pas être l'étrangère, qui reviens tous les six mois et qui regarde ''notre'' vie familiale de l'extérieur. 
Je décide donc de terminer mon blogue en partageant avec vous mon retour à la réalité et les expériences personnelles qui y sont rattachés. Pour les voyageurs, j'espère que vous pourrai vous retrouver dans mon histoire et peut-être adouçir un peu la coupure qui se produira à la fin de votre propre voyage. Pensez à moi et ditez-vous que ''vous n'êtes jamais seul dans le bateau!''. Et pour ceux qui trouvent, comme moi d'ailleurs, ''qu'Andréanne n'est plus très drôle ces temps-ci'', je vous réfère à la page 1: Et le commencement dans tout ça, pendant que j'écris finalement la conclusion de ce récit qui aura été pour moi beaucoup plus que Mon année en Chine.      
Je ne vous mentirai pas, ma première semaine à la maison a été extrêmement difficile. Je me suis retrouvée à plusieurs reprises plantée au beau milieu d'une pièce à ne pas trop savoir quoi faire de ma peau, me sentant plutôt en visite que vraiment à la maison. Je ne voulais pas ranger mes vêtements utilisés en Chine avec les autres déjà dans mes tiroirs (les vêtements d'avant) et trouvait que ma chambre semblait déjà complète, sans moi. J'ai pleuré à plusieurs reprises et dans n'importe quelle situation, quand une vague de réalité est venu me réveiller et me planter les deux pieds bien fermement au sol, à Gatineau, Québec. J'ai revu quelques amis sans trop savoir quoi leur dire sur mon expérience, ''Euh la Chine? C'était génial... et toi quoi de neuf?''. Je me suis retenue de toujours dire ''...et en Chine c'était comme ça'' pour ne pas provoquer une surdose chez mes parents déjà tellement patients. Je me suis assise silencieusement à table avec ma famille, ne sachant pas trop comment entrer dans la conversation de maison-boulot. J'ai eu une attaque de panique dans le département des femmes du magasin Simons, quand j'ai du choisir entre des shorts bruns foncés, bruns pâles, sable, 3/4, courts, longs... J'ai tenté sans succès d'écrire les dernières entrées de mon blogue ne voulant pas inconsciemment mettre le point final à mon récit... Bref, j'ai fait passer les journées du mieux que je le pouvais en tentant d'être engagée avec ma famille, tout en vivant mon deuil. 
1. Le Choc
Lundi: Andréanne se souvient qu'elle peut boire l'eau du robinet et se remplit un verre avec le sourire. Elle discute ensuite avec sa mère de la Chine et marche dans l'herbe du jardin, pieds nus. Andréanne mange avec appétît son bol de céréales et jette le papier de toilette... dans la toilette. Elle écoute les oiseaux et ne tousse plus. Comme c'est bon d'être au Canada. 
2. Le Déni
Toujours lundi: Malgré tout les petits plaisirs de la vie quotidienne à Gatineau, Andréanne semble croire qu'elle retourne à Shangqiu la semaine suivante. Elle écrit à ses amis tous les jours et attend avec impatience les appels sur Skype. Ses valises sont toujours pleines.
3. La colère et le marchandage
Mardi: Les deux genoux dans les valises, Andréanne se fâche contre sa maudite pile de vêtements qui ne fait que grossir et grossir. Elle cherche comme faire entrer le contenu de ses valises dans ses tiroirs sans succès. Elle devra se départir de certains items, mais n'en trouve pas la force. Elle laisse tout en désorde et retourne à l'ordinateur. Elle tappe: Esl job Japan.
4.  La tristesse
Mercredi: Maman est au travail alors Andréanne se couche près de ses valises et laisse finalement les larmes couler. Et elle pleure... et pleure... et pleure, ne sachant pas trop à quoi se raccrocher pour reprendre contrôle sur ses émotions. Elle vit finalement toutes les séparations de la semaine précédante. Au courant de la semaine, elle sent que sa famille ne sait pas trop comment s'approcher d'elle, ne voulant pas la rendre encore plus triste en parlant de son voyage. Elle se sent seule.
5. La résignation
Vendredi: Maintenant en visite à Québec, Andréanne commence à se faire à l'idée qu'elle pourrait bien s'y installer et prendre le boulot stable qui lui est offert. Elle comprend que si elle décide de repartir pour un autre voyage, une telle occasion ne se représentera peut-être plus. Elle a toujours envie de repartir, mais elle commence à apprécier l'idée d'être en terrain connu. Elle se sent en sécurité d'être si près de sa soeur. De sa vie bien en marche.  
6. L'acceptation
Présentement: Andréanne est aux États-Unis pour l'été, à Middlebury, où elle travaille à l'École française comme elle le fait depuis 4 ans. Elle se sent bien - Home. Elle raconte avec enthousiasme son voyage, se rappelant de chacun des détails, mais le sentant de plus en plus loin. Le future à l'horizon semble plus près, complètement indécis et plein de possibilités. Elle pourra en faire ce qu'elle voudra.
C'est donc sur cette note positive que je termine cette histoire. Rassurez-vous, Andréanne va très bien. J'ai n'ai pas terminé de travailler sur mon blogue, car mon prochain projet est d'en faire un récit de voyage. J'espère aussi franchement pouvoir écrire d'autres blogues de Mon année... quelque part.

Au courant de cette année, j'ai beaucoup ri, parfois pleuré, j'ai fait des rencontres, j'ai mis le pied où je ne croyais jamais le poser, mais j'ai surtout appris qu'avec un dictionnaire, un grand sourire et beaucoup (BEAUCOUP) de patience... on peut se rendre jusqu'en Chine et en revenir en un seul morceau!!  

À bientôt j'espère...

Andréanne

Saturday, June 18, 2011

Bienvenue au Canada

La porte de l’avion s’ouvre laissant passer les passagers excités. Assommée par la fatigue, je m’empare de ma petite valise et suit la foule jusqu’au terminal. Cette fois-ci je n’espère pas qu’il y ait des clowns, des ballons ou un orchestre, mais bien que comme par magie, la passerelle se termine et que je sois de retour à Shanghai. Malgré les panneaux en anglais et en français qui m’entourent, mon cerveau a de la difficulté à accepter qu’il est bel et bien au Canada. Ma vie que j’y aie laissée il y a quelques mois semble tellement lointaine et mes souvenirs chinois si frais que mon cœur ne m’a visiblement pas suivi de ce côté de l’Océan Pacifique. En marchant je me questionne. Est-ce que Shannon et Brett sont arrivées à Shangqiu? Adam a-t-il réussi à avoir son billet pour le train de nuit? J’espère que Naïk a aimé son spectacle d’acrobaties.  Habituée à pouvoir envoyer des messages textes à mes amis pour un oui et pour un non, mon isolement se manifeste gravement lorsque je me retrouve coupée de mon moyen de communication.
Le terminal de l’aéroport d’Ottawa est complètement vide et comme pour me permettre de reprendre ma contenance avant les retrouvailles, notre avion est arrivé à la porte la plus loin de la bâtisse. En marchant, je me force à revenir au moment présent. Dans seulement quelques secondes, je me retrouverai devant mes parents et je ne serai plus ''Andréanne exploratrice téméraire'', mais bien ''Andréanne, bébé de la famille''. J’aperçois au loin l’escalateur qui mène aux bagages. Plus que quelques pas. Dès que je mets le pied sur la marche du haut, je vois ma mère près du mur qui m’attends excitée, une lanterne chinoise bleue à la main et flanquée de mes deux voisins (depuis longtemps considérés comme la famille) brandissant des signes fait à la main spécialement pour mon retour. Je cherche mon père du regard et me souvenant soudainement qu’il a coupé sa moustache (sur sa lèvre supérieure depuis 1970) le trouve finalement plus près des marches prenant des photos. Quelques secondes plus tard, on m’étreint de tous les côtés. Je me sens comme une triathlète du voyage au fil d’arrivée, après un marathon asiatique particulièrement difficile. Comme c’est bon (et étrange) d’être chez soi. Tout le monde parle en même temps alors qu’on tire mes énormes valises du chariot. Je tourne sur place à plusieurs reprises, tentant d’absorber le plus possible mon environnement et de finalement vivre plutôt que de rêver mon arrivée au Canada.
Le trajet dans la voiture est étrange. Les véhicules autour de nous roulent tellement vite (il n’y a pas de traffic ici!) et j’ai une peur incontrôlable qu’un passant ou une voiture se jette devant notre chemin sans regarder comme ils le font si souvent en Chine. Lorsque la voiture arrive finalement à destination je découvre que ma maison est bel et bien au même endroit et que rien n’a changé… sauf moi. Je suis ma famille à l’intérieur et nous discutons jusqu’aux petites heures du matin de mon départ de Shangqiu.
Les émotions se bousculent avec frénésie : La joie d’être finalement avec mes parents, la fatigue du long voyage, la frustration de ne pas pouvoir tout leur expliquer et leur montrer, la mélancolie des aurevoir si frais, mais surtout la peur de rejoindre mon lit et de ne pas m’endormir en Chine pour la première fois. Cette constatation me pèse sur les épaules comme une finalité sans équivoque. Bientôt, je devrai dire qu’''hier j’étais en Chine'', ''la semaine dernière…'',  ''le mois dernier…''. Je ne veux pas tout de suite mettre dans le passé MA Chine et j’ai peur d’oublier trop vite. Oublier le poulet Kung-Pao fumant du restaurant Chongking. Oublier l’odeur de mon appartement et de la brise chaude qui entrait par la fenêtre. Oublier les sons du matin (aussi dérangeant soient-ils) alors que le campus se réveille. Oublier les couchers de soleil qui se reflétaient dans le lac. Oublier mon mandarin et les conversations avec les chauffeurs de taxis. Oublier l’excitation de mes étudiants lorsque j’entrais dans la salle de classe. Oublier le regard amoureux d’Adam me trouvant tout le temps dans n’importe quelle foule. Oublier ma complicité avec Shannon et sa manière de me rappeler que ''You ARE home''. Oublier les ''Hello Andy'' lancés à tous vents par les étudiants. Oublier que n’importe quoi se mange avec des baguettes. Mais surtout j’ai peur d’oublier qu’il y a un an, je ne savais absolument rien de ce qui m’attendait et je suis sortie de l’avion à Pékin en espérant voir un clown, des ballons…

Boucler la boucle

Mes dernières journées à Shangqiu resteront toujours dans mes souvenirs comme un marathon flou, les journées s’enchaînant à une vitesse folle et se métamorphosant en un seul grand ''moment'' sans répit. Mon horaire chargé me permettant difficilement de souffler entre les repas d’adieux, les rencontres avec mes étudiants, l’aspect logistique d’un déménagement transpacifique et la volonté de passer un moment de qualité avec chacun de mes amis. Personnellement, face à autant de changement et de pression, je n’avais envie que de me rouler en boule dans mon appartement pour faire passer les heures jusqu’à mon départ et de quitter la ville en douce, au beau milieu de la nuit, me sauvant ainsi les adieux qui brisent le cœur.

Vendredi
6h45:  Mon réveil matin me fait sursauter. ‘’Schrrrrrrrrrrrrrrrtttt- ptiou’’ : la femme de l’appartement en face se racle la gorge et projette le tout dans un crachat Olympique... Chapeau, mes fenêtres doivent être toutes beurrés! (Mémo personnel : Demander à mes parents de venir se gargariser dans mes oreilles chaque matin pour ne pas que je m’ennuie trop!). Je me tire du lit dans un mouvement énergique et percute de plein fouet la maudite porte battante de ma garde-robe vide… repli stratégique dans le lit pour lécher mes blessures. Un Adam encore endormi, tel la tortue de La Fontaine, sort de la chambre en premier, gagnant ainsi le concours non-officiel.  Commentcommencerlajournéedubonpied.com ...
8h:  J'arrive en classe armée de mon ordinateur et projette pour mes étudiants un petit vidéo que j'ai préparé afin de leur montrer les différents endroits que j'ai visité pendant mon année en Chine... Bon. Personnellement, je croyais que mes étudiants, qui ne donnent même pas de caresses à leur parents, allaient rester de glace face à mon départ, du style serrage de main et un petit ''Zaijian'' gêné, mais comme j'avais tord! À la fin de mon vidéo qui pouvait tout de même, je l'avoue, rendre l'oeil humide, la classe entière a été plongée dans un silence lourd entrecoupée de petit sanglots discrets. MERDEEEEE. Moi qui les imaginais tous me posant des tonnes de questions sur les villes chinoises et rigolant de mes mésaventures le sourire fendu jusqu'aux oreilles, the plan had backfired!! J'ai donc tenté d'alléger un peu la tension en chantant une chanson et heureusement c'est avec le sourire qu'ils ont finalement quitté la classe.

 10h10:  J'entre dans le bureau de Mr.Yu pour lui apporter un petit cadeau de départ. Parce qu'il veut probablement faire son difficile, c'est le seul homme chinois de toute la terre qui ne fume et ne boit pas alors j'ai décidé de lui acheter une grosse boîte de biscuits étrangers... Connaissant les chinois, ils vont probablement terminer dans le bol du chien, mais c'est l'intention qui compte. Mon patron me fait donc signe de m'asseoir et j'accepte poliement, me disant quand même que j'ai d'autres coquerelles à fouetter lors de ma dernière journée à Shangqiu! Après un court échange où je n'arrive pas à me sortir de la tête que ce gars (THIS GUY!) est un prof d'anglais! Oui, oui... CE GARS LÀ. 
Mr Yu: ''So, your suitcase, it ok?''
Andréanne: ''Yes thank you, it's not a problem''
Mr Yu: ''How.. you leave... where?''
Andréanne: ''I'm leaving from Shanghai on Sunday night.''
Mr.Yu: ''You ok to go. You show me your house before you go. Ok?''
...
Et cette conversation de Sesame Street continue comme ça pendant 15 minutes... Je quitte le bureau autant amusée qu'inquiète pour l'avenir des étudiants chinois...
11h30: Dernier repas à mon restaurant préféré. Adam et moi sommes assis devant un gigantesque festin de poulet Kung-Pao et d'aubergine épicée. Je tente d'exprimer ma gratitude à la patronne pour tous ces bons repas qui m'ont assurément empêchée d'attraper le scorbut, mais alors que j'aimerais dire: ''Madame votre nourriture est divine et je vais m'en ennuyer longtemps après mon retour au Canada.'' je dis probablement plutôt ''Nourriture..bon''. Je lui remets tout de même une épinglette du Canada en souvenir de moi, qu'elle regarde avec curiosité, n'en ayant visiblement jamais vu avant. 
12h00:  Dans mon avidité pour les petits plaisirs de la vie, je tente de ''djammer'' un dernier massage dans mon horaire serré, mais comble du malheur, tous les thérapeutes sont occupés. Semblerait-il que deux clients ont demandé le spécial-extra-long-de-massage-qui-ne-finit-plus et ils sont parti pour être allongés pour la prochaine heure et demi... Cailloux #2 dans le soulier, le masseur qui termine son boulot est ''le gars qui fait mal'' alors, malgré le fait qu'il me réclame (''Ok. Andy''), je pousse gentiment Adam (hum...hum...) à ma place. C'est toujours drôle de voir le visage du masseur qui croit m'avoir sur sa table et découvre plutôt un mec! Finalement, le meilleur masseur revient de son heure de dîner et je peux finalement relaxer. Avant de partir, la patronne demande de prendre une photo avec moi, j'imagine pour se souvenir de la cliente qui a grandement contribuée au financement de sa nouvelle cuisine! 

13h44: J'ai rendez-vous avez Mr.Yu à mon appartement dans 1 minute et je suis de l'autre côté de la ville. L'horloge du salon de massage était en retard et la gentille dame qui conduit le taxi semble vouloir nous donner l'expérience ''spécial touriste'' de Shangqiu. Madame, ça fait 9 mois que j'habite ici alors vos crottes de chien (ou de Chine, dépendant), je les ai déjà vues!!  Adam cool as a cucumber tente de me changer les idées.

14h: Nous arrivons finalement à mon appartement où Shannon, Brett, Mr. Yu et un taxi nous attendent tous pour le départ. De dire: ''Scusez je me faisais masser'' ne semble pas une excuse très sérieuse alors je ne fais que dire ''Scusez''... Mr. Yu monte avec moi pour être témoin que je n'ai pas mis mon ameublement en chêne massif dans ma valise (...) et nous empoignons mes valises en vitesse pour rejoindre le taxi. Dans l'affolement du départ, j'oublie que je quitte pour de bon ma petite maison chinoise, mais au dernier moment, je prends tout de même un instant à la porte pour y jeter un dernier coup d'oeil. Que de bons moments...

14h02: Nous sommes empillés dans le taxi: Shannon, Adam, moi et mon Er-hu sur le siège arrière et Brett à l'avant avec ma petite valise. Le coffre ne ferme pas sur mes valises surdimensionnés et je suveille le tout avec inquiétude par la lunette arrière. Nous laissons un Mr.Yu moitié soulagé (il ne doit pas me reconduire à Shanghai) - moitié triste (un autre prof à remplacer) devant mon appartement. Le taxi quitte l'école.

15h: Mes amis trimbalent leurs (mes) valises attitrés (j'en ai quand même 4...) le long de la plate-forme où arrivera le train. Les habitants de Shangqiu nous regardent avec curiosité, nous prenant visiblement pour des touristes. Avec mon Er-hu en bandouillière, nous avons l'air d'un groupe folklorique en tournée... Le train rapide arrive finalement et nous prenons place dans le compartiment pour un voyage de 6h jusqu'à Shanghai. 

21h: Shanghai est aussi resplendissante que lors de ma dernière visite. Je me félicite d'avoir pris mon billet de départ de cette ville. Je paie la traite à mes porteurs dans un Mc Do et nous nous couchons épuisés.

Samedi

Notre journée à Shanghai est consacrée à tenter de faire entrer le plus de souvenirs possibles dans ma valise à moitié-vide. Nous visitons le marché de contre-façon que j'ai déjà exploré avec Ciaran et 2h plus tard ressortons (en tout cas, moi) les mains chargés de paquets. Après un courte sieste, nous mangeons dans un superbe restaurant de sushi (devinez qui a décidé de l'endroit du repas...) puis nous allons au Bund pour prendre des photos cocasses en groupe. En après-midi, Shannon nous a tous acheté le même t-shirt avec des Pandas qui font du Kung-fu alors nous avons l'air d'un sympatique groupe de touristes canadiens (la majorité l'emporte!). Nous terminons la soirée dans une ''pub'' local où nous (Brett, Adam, moi) prenons une bonne cuite! 
Dimanche

Le moment tant redouté est finalement là: Ma dernière journée en Chine. Mon avion ne décolle qu'à 17h alors Adam me guide de nouveau vers le Bund pour une matinée en amoureux. Nous prenons place sur un banc et observons silencieusement les passants, la brume engouffrant les gratte-ciels de Pudong. Alors que nous profitons de notre dernier moment d'intimité, des touristes chinois viennent s'asseoir juste assez proche de nous pour que nous soyons dans leur photos, mais juste assez loin pour qu'ils n'aient pas besoin d'engager la conversation. À un certain moment, une femme me tend son enfant en souriant alors je cherche le courage de prendre la pose malgré les vagues d'émotions qui se font de plus en plus fortes. Nous nous foutons de la foule dans notre bulle: Adam pensant à son retour à Shangqiu sans moi et moi au chemin difficile qu'il me reste à faire... sans Adam. Il a tellement été présent dans chacunes des étapes de mon départ que j'ai oublié comment transporter tout le poids de ma grande aventure sur mes propres épaules.   

Le moment arrive finalement de quitter Shannon, Brett et Naïk à la station de métro. Étrangement, alors que je dis aurevoir à ma famille chinoise, ce n'est pas un sentiment de fatalité ou de déchirement qui me prend, mais plutôt un ''See you later'' comme si je revenais la semaine suivante. Shannon me serre rapidement dans ses bras, comprenant que nous devons faire vite pour que je puisse toujours garder un contrôle sur mes émotions. Elle me dit ''see you soon, we love you man'' alors qu'elle me tourne le dos pour entrer dans le métro. 

Après m'être débarassée de mes trois valises au comptoir d'Air Canada, je reconduis Adam au métro où nous sommes forcés de partager un moment très intime avec tous les autres voyageurs de l'aéroport de Shanghai. Il garde le sourire et me fixe intensément jusqu'à ce qu'il disparaisse au bout du corridor. 

Et voilà, comme lors de mon arrivée à Pékin il y a plusieurs mois, je suis de nouveau seule face à une autre aventure. Celle-ci beaucoup plus compliquée. Je sais que le retour à la maison sera rempli de bonheur, de défi et de difficulté, mais à ce moment, je ne peux que regarder par le hublot où ma Chine s'éloigne peu à peu...  

Monday, June 13, 2011

Yiiii Kuai... Yiiii Kuai

Qui dit déménagement dit aussi habituellement vente débarras... et dieu seul sait que pour une voyageuse magasineuse, la Chine est une terrain de jeu beaucoup trop propice à la pratique de ce sport. S'empillent alors dans mon appartement depuis plusieurs mois des achats de toutes sortes accumulés au fil des sorties en ville et des petits voyages. Vêtement d'hivers... vêtements trop petits... vêtements à jeter... vêtements laids... plantes... décorations.... sapin de Noël... articles pour la maison... Je devais donc me débarasser d'une quantitée impressionnante d'items avant de réellement commencer à faire mes valises pour le Canada. Shannon m'a raconté avec horreur que les deux derniers locataires de mon appartement (aussi profs étrangers) ont laissé le logis dans un état épouvantable et qu'elle a dû se tapper le ménage avec Brett afin de sauver notre réputation face aux nettoyeurs chinois.  En Chine, la réputation est presque entièrement déterminée par les apparences et ça ne prends qu'un seul imbécile pour donner l'impression à une population au complet que nous sommes des cochons irrespectueux. J'avais donc décidé depuis longtemps que mon appartement serait des plus propres à mon départ et que ma réputation ne serait jamais ternie par un appartement en désordre. Malheureusement, je ne savais pas que cette décision ne serait pas entre mes mains...

J'ai donc fait un début de grand ménage et bien rapidement mon appartement a commencé à ressembler à une ville dévastée par une bombe A (comme dans Andréanne qui nettoie...). Partout dans la maison, il fallait éviter les piles de vêtements à donner, sauter par dessus les valises à moitié entamés, contourner les cadeaux des étudiants et ramper sous la pile de boîtes vides et de recyclage. Je peux vous dire que ça faisait dûr. J'ai aussi arrêté d'inviter de la ''visite'' afin de limiter les jugements face à mon bardas! Vendredi est finalement arrivé et j'ai réservé mon après-midi pour faire le grand nettoyage. Dès mon retour de l'école, je cours donc au petit coin et lorsque j'en ressort, j'entends quelqu'un qui joue avec ma poignée de porte! Je me dirige donc en vitesse vers l'entrée, les pantalons encore ouverts parce que je suis pressée de voir qui tente de me cambrioler (!!), et découvre par le ''peephole'' que mon patron, Mr.Yu, est planté devant ma porte en compagnie de 3 autres chinois. Que je le veuille ou non, la clé est dans la porte et il va entrer dans mon appartement dans les prochaines secondes. Je décide qu'il vaut mieux tenter l'offensive (le repli stratégique est impossible... il a ma clé!) et ouvre la porte d'un mouvement brusque. Je me retrouve donc devant mon patron, son assistant et un couple de chinois qui ont tous la tête de gens qui se sont fait prendre les culottes baissés... alors que c'est plutôt mon cas!

Mr. Yu me regarde catastrophé: ''Oh... I was trying to call you!''. Premièrement: Mon oeil... et deuxièmement: Quand? Avant ou après que la clé soit dans la serrure? Bref, je suis tout échevellée, à moitiée dans le processus de me changer pour faire mon ménage et je fais de mon mieux pour cacher mon appartement de la vue des visiteurs (sans oublier mes culottes ouvertes!). Il m'explique rapidement que le couple est venu visiter mon appartement et ''Would it be possible to come in?!''. Malheureusement pour moi, un de mes gros problèmes est que j'arrive difficilement à dire non (surtout à mon gentil patron) alors j'invite avec réticence le jeune couple à entrer dans ma tanière. Pendant qu'ils osent à peine regarder dans chacune des pièces, je fusille du regarde mon patron et lui fait comprendre que ''Peut-être que ce n'est pas bien de débarquer chez les gens comme ça et qu'il faudrait les avertir au moins 10 minutes en avance pour qu'ils ne viennent pas juste de sortir des toilettes?''. Il regarde ses souliers. Finalement, l'homme du couple s'adresse à moi et me demande si l'appartement est bien chauffé. Et moi de lui répondre: ''En fait, vous n'aurez sûrement aucun problème! Tout a été remplacé cette année parce que c'était brisé!'' (poum, poum, poum, tschiiiiiiiiiiiii). Ils me remercient mille fois de mon hospitalité et quittent mon appartement aussi rapidement qu'ils sont arrivés.

Alors voilà pour ma réputation, mais il me restait toujours à me débarasser de tous ces ''trésors''... Heureusement pour moi, chaque année au mois de Juin, les étudiants nouvellement gradués organisent une vente trottoir dans quelques rues de l'Université afin de vendre ce qui ne leur sera plus nécessaire et faire quelques heureux parmis les étudiants. Les habitants de la ville, toujours à la recherche d'aubaines, prennent aussi part aux festivités et un grand évènement en découle. Assisté par quelques amis étudiants, j'ai donc rempli une grosse valise et nous nous sommes installés un petit tapis au centre du marché. Au moment où nous avons rejoint notre emplacement, avant même que je n'aie le temps d'ouvrir ma valise, une véritable foule s'est amassée autour de nous. Des habitants de la ville, des travailleurs de l'école, quelques étudiants... tout le monde voulait jeter un coup d'oeil aux choux gras de la ''laowai''. Mes amis ont déballé mes articles précieusement, s'assurant d'en mettre plein la vue aux passants attentifs et la négociation a commencée. Mes vêtements se sont passés entre toutes les mains, mes couvertures lancés à gauche et à droite. Tout a été manipulé, tâté et scruté pendant que mes amis dictaient des prix ridicules pour mes articles. Pendant ce temps, impressionnée par le mouvement de foule, j'observais le cirque de loin laissant à mes étudiants le soin de récupérer l'argent des acheteurs satisfaits. C'est tout de même avec un pincement au coeur que je me suis départie de mes articles, chacun me rappelant un bon moment de mon année en Chine. La grosse ''doudou'' en polar qui m'a gardée au chaud tout l'hiver, mes mitaines Canada, mon lecteur DVD, mon dictionnaire anglais-mandarin... Mais le plus irritant dans tout ça, c'est que pour bien négocier, les chinois se sentent obligé de dénigrer ce qu'ils achètent pour en faire baisser le prix. J'ai donc entendu que mes vêtements étaient: laids, grands, sales, de mauvaise qualité, usagés, bon pour la poubelle, etc... Par chance que je ne comprenais pas tout!  Rapidement la pile s'est mise à baisser et j'ai accumulée de plus en plus d'argent. Quelques étudiants tenaient absolument à acheter de mes vêtements pour conserver un souvenir de moi et se tortillaient encore plus de joie lorsque je leur disais que l'objet choisi venait de Thaïlande, de Malaysie, de Singapour... ou comble de plaisir: du Canada.

Les heures se sont mises à passer rapidement et lorsqu'Adam est venu me rejoindre à 18h30 pour le souper, il ne me restait qu'une dizaine de gilets à vendre (que voulez-vous, j'en avais beaucoup!). Afin de pouvoir aller manger, il me fallait quand même épuiser mon stock alors j'ai annoncé à mes étudiants que nous faisions une vente de feu: 5 yuan l'item! Nous étions donc plantés-là à crier: ''Wu Kuaiiii, Wu Kuaiiii'' alors que personne ne semblait intéressé par mes guenilles. Adam qui avait remarqué les caractéristiques de mes acheteuses m'a suggéré de tenter d'attirer les petites vieilles: ''Yeah Andy, all the old ladies LOVE your stuff! There are the only ones who buy your clothes!''... merci Adam pour cette analyse de marché... Étonnament (...not), depuis l'arrivée d'Adam de plus en plus d'étudiantes s'arrêtaient à notre tapis pour épier mon petit-copain tout en jouant avec mes guenilles. Une téméraire rouge comme une tomate est même allée jusqu'à lui dire d'un seul souffle, ''I want you to take me back to your country!''. Hum... j'avais la possibilité de faire quelques yuan de plus!! ''UNNN étranger britannique.. UNNNN...''.

Nous avons continué à crier et quand personne ne s'est manifesté après une heure, nous sommes descendus à 3 Yuan.... puis 2 Yuan... pour finalement offrir mes items à 1 yuan! ''Yiiiii Kuai, Yiiii Kuai''. Rien à faire. Les passants ne prenaient même plus la peine de regarder sur mon tapis. C'est alors que la sagesse m'a atteint comme un projectile en plein visage: Les chinois aiment négocier et donc lorsqu'on leur offre quelque chose à très bas prix ils se méfient. Ils préfèrent négocier à mort plutôt que de s'en faire passer une petite vite et perdre 1 yuan... je n'étais donc pas plus avancée devant ma petite pile de vêtements et nos estomacs qui grondaient de plus en plus fort. Avec l'énergie du désespoir, j'ai achalée quelques passantes pour finalement jeter les armes et tout donner à ma voisine de tapis.

En conclusion, je crois que le marchandage chinois est un peu comme l'Opéra de Pékin... c'est long, c'est plate, on ne comprends rien et il faut être un peu massochiste pour l'apprécier.

< Ajoutez ici votre propre proverbe chinois sur la patience qui porte fruit >