Tuesday, August 31, 2010

Pourquoi il est crucial de ne pas tomber malade en Chine...

Alors il fallait bien que je me foute de la gueule des maudites toilettes turques ce matin pour que le Karma me ramène tout ça en perspectives aujourd'hui!! Ouf... tout un examen médical.

---- Attention récit qui n'est pas pour les estomacs faibles!-----

Donc nous sommes partis ce matin vers 8h de Zhengzhou pour l'''hôpital''. Mon dieu, moi croyais trouver un truc ultra moderne, je me retrouve dans ce petit shack tiré des films d'horreur où il y a une trentaine de chinois qui se dépêchent de remplir leur formulaire pour aller le plus rapidement possible au ''triage''. Je remplis alors sensiblement le même formulaire que celui que j'ai fait pour le Canada et suit les différentes étapes de l'examen. Ça commence par une prise de sang... Mais après 3 jours de voyage, je ne suis pas dans le meilleur état d'hydratation alors la gentille infirmière a un mal fou à me trouver une veine. Elle serre donc le gareau plusieurs fois pour trouver une quelconque source sans succès. Elle décide alors d'y aller au ''feeling'' en me mettant l'aiguille et fouillant dans le tas. Je suis habituellement plutôt bonne avec les piqûres et tout ça, mais là c'est trop de tripotage pour moi! Elle trouve donc un petit courant de rien du tout et se met à me serrer et deserrer le tuyau de caoutchouc, puis à me peser sur le bras pour faire sortir assez de sang. Je ne blague pas, ma main est bleue et j'ai une bosse de 2-3 centimètres où l'aiguille était plantée. Je commence donc à soupirer allègrement et l'infirmière me demande: "You nervous?" HA HA très drôle. Après elle me dit: "OK Stay Happy!" (Oui merci Fortune Cookie!) My god, j'allais lui suggèrer de me piquer dans la carotide, question d'accélerer le processus. Alors quand tout est fini, mon recruteur, qui semblait bien croire que c'était une course, me guide vers la toilette pour l'échantillon d'urine... ET CE SONT DES PUTAINS DE TOILETTES TURQUES et je porte un jeans! Je m'installe donc derrière la porte western qui date probablement d'il y a 70 ans et qui m'arrive au cou et je regarde le tout qui est d'une salubrité vraiment douteuse. Donc nulle part où m'agripper. Sauf qu'avec la prise de sang et les jambes en cotton, ça me prend tout mon petit change pour remplir le minimum et ne pas tomber fesses première dans le trou. J'ai franchement cru devoir abandonner et je suis vraiment traumatisé, maintenant je ne sors plus de la maison sans passer par la salle de bain avant! On continue donc à voir tous les médecins des différentes salles. Heureusement, le reste se passe relativement bien et nous partons finalement pour Shangqiu.

Zhengzhou

Le réveil à Pékin est brusque. En fait, il est plutôt inattendu, car à 3h du matin, mes yeux s’ouvrent d’un seul coup, mon corps, se croyant toujours au Canada gronde mon cerveau engourdit par la fatigue : ''Quand même Andréanne! Tu dors jusqu’à 15h et tu veux qu’on te prenne au sérieux?''. Malgré tous mes efforts pour tromper mon subconscient qu’il est véritablement l’heure de dormir (i.e. Me planter devant la fenêtre et fixer intensément la noirceur et répétant ''Mes paupières sont lourdes…'') je n’arrive pas à fermer l’œil alors je fais un peu de lecture jusqu’à ce que les rayons du soleil pénètrent finalement dans la chambre. Quand arrive le temps de sortir du lit, je me traîne évidemment les pieds (Et oui, MAINTENANT je suis fatiguée!) jusqu’au restaurant de l’hôtel pour prendre mon petit-déjeuner mais une surprise de taille m’attend.
Lors de ma recherche extensive sur les Chine, je n'ai jamais pensé à m'intéresser à ce qu'ils se mettent entre les baguettes au petit déjeuner alors par ce beau matin de Pékin, j'entre dans la salle à manger en croyant pouvoir mettre la main sur un petit déjeuner continental… Vous savez, rien de trop compliqué : Des tartines, du jus, peut-être même une orange. Ah… Ha… Ha…Vous pouvez donc imaginer mon visage lorsque je soulève la première cloche du buffet et découvre des brocolis à l’ail! ''Bon ce sont peut-être les restants du buffet du soir, je vais tenter le second…'' Du porc. Du riz. Des tomates et du chou… C’est alors que je me retourne et découvre que le dégoût sur mon visage est malheureusement très mal caché et que mes expressions faciales ont attiré l’attention des autres clients. Tous chinois. Si seulement il y avait un autre étranger dans la salle pour faire un petit commentaire et me rassurer que pendant 22 ans j’ai mangé le ''bon'' petit déjeuner… ''Those funny chinese hein?! I wonder what they eat for lunch!''… mais non, je ris nerveusement alors qu’ils se disent probablement ''Those funny foreigners! They always make the same face at breakfast! What do they expect? Fruit and bread? Haha'' j’effectue un repli stratégique à la réception où mon transport m’attend justement pour prendre mon second vol pour Zhengzhou.  
Après un encas de barre Mars et de Coca-Cola (ÇA c’est un petit-déjeuner beaucoup plus équilibré!), je continue à être la seule représentante des caucasiens dans mon vol pour Zhengzhou (Un peu plus et je me croirais dans une pub politiquement incorrecte…), la capitale du Henan et l’endroit de rencontre avec le représentant de mon Université, Mr. Yu. Arrivée à destination je récupère mes valises et devient soudainement consciente de mon apparence physique. Mes cheveux collés sur mon front par la sueur, mes épaules dénudés qui se font dévisager depuis mon départ de l’aéroport – même mes super pouvoirs de déductions affaiblis par le décalage sentent que quelque chose cloche et je ne veux pas me faire arrêter pour indécence publique mon 2e jour en Chine, mes jeans sont chauds, collants et sentent l’avion… Bref, ce n’est pas la première impression que j’avais en tête lorsque j’imaginais ma rencontre avec mon patron. Je me cache donc dans la salle de toilette et effectue un changement éclair sous l’œil moitié-scandalisé, moitié-amusé de la préposée aux salles des bains. Fin prête, je quitte le terminal et tombe face à face avec un Mr. Yu visiblement nerveux qui n’avait clairement pas été avertit de mon jeune âge. Enthousiaste, j’entame tout de suite la conversation en serrant énergiquement sa main alors qu’il fait une faible grimace de ''gars qui n’a jamais accepté dans son contrat de se faire AUSSI toucher par la créature canadienne.'' Après avoir échangé trois monosyllabes en anglais, je comprends que Mr. Yu n’est pas aussi enchanté par ses capacités linguistiques anglo-saxonnes que je ne le suis par rapport à mon apprentissage du mandarin alors je m’assois à l’arrière de la voiture en silence alors que le chauffeur nous conduit vers le centre-ville de Zhengzhou.
Le plan a changé. Plutôt que de tout de suite nous rendre à Shangqiu, nous passerons la nuit dans la capitale afin de me permettre d’effectuer mon examen médical le lendemain matin. C’est ainsi que je me retrouve en confinement dans une chambre d’hôtel au beau milieu de l’après-midi à regarder par la fenêtre parce qu’aussi gentil qu’il puisse paraître, je ne souhaite pas particulièrement faire les boutiques avec mon patron volontairement muet (''Tell me if you want to go shopping. I go with you. Please don’t go alone. You get lost''). J’observe la circulation, mais n’arrive pas à comparer ce qui se passe sous ma fenêtre avec aucune autre situation déjà vécue. Premièrement, le hurlement des klaxons est constant et il n’y a pas d’embouteillage ou d’accident. Ensuite, la rue est flanquée de chaque côté par un corridor pour les vélos où piétons et cyclistes s’évitent sans arrêt à un cheveu près. Mais ce qui est le plus étrange pour moi à ce moment est de regarder une rue pleine de boutiques et de ne pas pouvoir déterminer ce que le magasin renferme en regardant son écriteau… Finalement, vers l’heure du repas, Mr.Yu vient me chercher à ma chambre et m’invite à traverser la rue pour casser la croûte dans un restaurant à l’allure occidentale. Et par ''allure occidentale'', je veux dire que le logo du restaurant steakhouse ressemble vaguement à un bœuf avec les yeux légèrement bridés.      
Après avoir pris place dans notre banquette orange plastifiée de la salle à manger, la serveuse arrive immédiatement à notre table avec le menu et me le tend. Je lui fais signe de plutôt le donner à mon patron pour cause d’analphabétisme chinois, mais politesse oblige, je suis l’invitée d’honneur alors je devrai choisir les plats. Voyons voir les photos… Alors que je tourne tranquillement les pages du menu à la recherche d’un plat qui n’est pas constitué de colonne vertébrale ou d’un quelconque organe génital (une fille prévenue en vaut deux!), je remarque que la serveuse n’a toujours pas quitté son poste et attend sagement que je me ''branche'' pour qu’elle puisse prendre ma commande. C’est à croire que nous sommes la seule table dans tout le restaurant… mais en observant bien, il y a pratiquement autant d’employés que de tables alors le service doit toujours être aussi ''personnalisé''. Son regard insistant me stresse alors je commande un plat de nouilles sous l’œil amusé de Mr.Yu qui doit tenir un pari avec ses amis que le premier repas de l’étranger en terre chinoise est TOUJOURS des nouilles. De son côté, mon patron commande toute sorte de dumplings et malgré une légère embuche lors de la dégustation de grains de maïs avec des baguettes (''Non, non s’il vous plaît ajoutez de l’huile! C’est beaucoup trop facile à saisir!'') le repas se passe plutôt bien.   
Maintenant rassasiée, je me couche tôt afin d'être en pleine forme pour mon examen médical du lendemain... si seulement j'avais su...

Pékin

La porte d'avion s’ouvre - musique de 2001 Odyssée de l'espace. J’empoigne mon bagage à main et me dirige d’un pas décidé vers le terminal. Je marche rapidement sur la pointe des pieds tentant de voir par-dessus la masse mi-chinoise, mi-étrangère qui se suit sur la passerelle. Je m’apprête à frapper le mur compact d’une foule digne d’un des plus gros aéroports du monde, mais…

Vous savez ce sentiment de trahison qu’on ressent parfois lorsqu’on se trouve devant quelque chose qui devrait clairement être différent… Le repas au restaurant qui ne ressemble aucunement à la photo du menu, le gars rencontré en ligne qui vous disait qu’il ''paraissait bien'', le pull grandeur médium commandé sur internet qui est inévitablement un x-small…vous savez ce sentiment de fraude?  Et bien, c’est exactement ce que je ressens lorsque je mets finalement les pieds dans les corridors ultra-modernes, et ultra-vides de l’aéroport de pékin. Après un vol de 12h, sans télévision (mon écran est le seul défectueux de tout l’appareil…) et avec les genoux confortablement appuyés sur le banc du passager devant, j'espérais des trompettes, un clown, un orchestre, quelque chose!  Mais non, la section des arrivées de l'aéroport de Pékin est totalement déserte.

Avant de récupérer mes valises, je décide de faire un arrêt rapide par les salles de bain où je fais ma première rencontre avec les populaires toilettes turques chinoise (rebaptisés à l’avenir ''le trou''). Parce que nous sommes toujours techniquement en zone internationale, j’ai encore le choix de plutôt utiliser une bonne vieille ''western toilet'', d’ailleurs indiquée sur la porte par un dessin de la cuve, alors je décide de reporter la confrontation Andréanne-trou lorsque je serai moins fatiguée. En sortant du cabinet, je fais ma première rencontre avec une authentique concierge chinoise et lui fait mon plus beau sourire en chantonnant un ''Ni Hao'' à l’accent canadien. Elle n’a probablement jamais vu une cliente aussi satisfaite de sa visite au petit coin!

Je m’empare ensuite de mes valises et roule tranquillement mon chariot vers la douane. Ce qui j’imaginais être une expérience des plus envahissantes et méthodique (je voyais déjà le douanier enfoncé jusqu’aux coudes dans mes sous-vêtements) n’est qu’un petit comptoir devant lequel tous les passagers défilent, priant ne pas avoir le profil recherché par les agents chinois. Espérant ne pas me faire apostropher, je sifflote en traversant les portes vitrées qui mènent aux arrivés et c’est là que j’ai finalement mon premier contact (impact) avec la population chinoise.  Des dizaines de personnes brandissent des pancartes avec des noms anglais, des familles se réunissent dans un vacarme incompréhensible (pour mon oreille du moins), la foule se presse et c’est à ce moment que je repère MON petit monsieur. Il se tient au milieu des autres chauffeurs et regarde avec curiosité les voyageurs pour trouver ''Andréanne Clot'' (pancarte bien orthographiée : Chine 1).  Ce qui n’est pour lui à ce moment précis qu’un mélange de lettres, se transformera bientôt en une grande voyageuse blonde qui parle beaucoup trop et qui ne peut attendre un instant de plus avant d’essayer son mandarin sur un ''vrai'' chinois (à l’opposé du micro de mon ordinateur qui ne tient pas une très bonne conversation). Je me plante devant lui (Andréanne : ''Ni hao'', Chauffeur : ''Ni Hao'') et regarde son sourire prendre des proportions inattendues alors qu’il croit se tenir devant une véritable étrangère qui parle sa langue… Il s’emballe aussitôt et enchaîne avec une réplique beaucoup trop avancée pour mon médiocre niveau de mandarin. Ma mine renfrognée de fille qui cherche à reconnaître le premier mot de la phrase lui indique que ''Minute papillon, ça ne sera pas si facile que ça''. Rapidement revenu sur terre, il me dit ''Come'' et je le suis pendant qu’il pousse difficilement le chariot contenant mes 3 valises vers l’extérieur du terminal. Alors que nous attendons le petit autobus qui nous amènera à l’hôtel, il tente d’amorcer une conversation polie dans sa langue. Je reconnais les formules de bases, mais après qu’il m’ait demandé à trois reprises ''Ni hao ma? – Comment vas-tu'', nous décidons d’un commun accord non-verbal que ce n’est pas cette conversation qui nous rendra nécessairement BFF alors vaut mieux attendre en silence. Les minutes passent, et passent, et passent et toujours aucun signe de l’autobus. Je décide de prendre la situation en main (comme seule une touriste muette peut le faire!) et tente de lui demander à quelle heure nous attendons le transport. Tout en faisant des bruits de voiture avec ma bouche et des coups de volants imaginaires, je pointe sa montre, ma montre, son cellulaire, le soleil. Lorsque je suis en nage pour cause de 90% d’humidité et que 10 minutes de mime effrénée ne provoquent aucune réaction chez le jeune homme, j’arrive à la généralisation que les chinois ne sont pas très forts en non-verbal. (Mémo personnel : Ne jamais me mettre en équipe avec un chinois pour une partie de Cranium!). Alors que j'immite la pose d’attente du conducteur en fixant Pékin au loin, pour la première fois depuis mon départ de la maison, le doute commence à s’installer que mon année en Chine ne sera peut-être pas ''a piece of cake'' comme je l’imaginais...

Vingt minutes plus tard, nous nous entassons dans le mini-van et prenons la direction de l’hôtel où je passerai la nuit avant mon second vol vers Zhengzhou. Comme n’importe quel touriste pourra vous le raconter, la conduite chinoise tient plutôt des autos-tamponneuses que de la véritable circulation logique. Ce n’est pas la même chose qu’en Amérique du Sud où les conducteurs cassent-cou sont tout de même des experts pour éviter les collisions. En Chine, on dirait que les gens utilisent plutôt la technique tout le monde se ferme les yeux et appuient sur l’accélération.  À travers les lignes, en sens inverse, par la droite, la gauche, tout le monde se coupe et se klaxonne dans une grande cacophonie dangereuse qui vous rappelle les 15 secondes avant l'accident de la pub sur l’importance de boucler sa ceinture.  En chemin, je tente d’observer mes alentours, mais  la conduite du chauffeur qui semble vouloir récolter le plus de points possibles (Piétons effrayés : 10 points, Voiture frôlée : 25 points, Conduite sur le trottoir : 15 points, etc.) me force à fixer avec toute mon attention la route. Je découvre du coin de l’œil des petites rues décorés de lanternes rouges, plusieurs motos supportant des cabines avec des passagers, des vendeurs de fruits, des écoliers en uniforme, un nombre impressionnant de vélo... Cependant, ce qui attire le plus mon attention est l’odeur. Parfois c’est un mélange d’humidité, de fruits mûrs et de poussière, d’autres fois, c’est des arbres en fleurs et de la sueur et 100 mètres plus loin, c’est l’odeur de la viande grillée qui domine les environs. Mon odorat est complètement chamboulé par le mélange d’effluves qui m’assaille et je passe une bonne partie du trajet à alterner entre me recroqueviller de dégoût sur la banquette arrière ou sortir la moitié de mon visage par la fenêtre pour trouver la source de l’odeur agréable.  La Chine est bruyante, bondée, mais surtout odorante!

Le jeune homme de l’aéroport ouvre la porte du mini-van et me guide vers la réception de l’hôtel. Craintive après ma première discussion non-concluante avec un chinois, je m’approche de la réceptionniste avec précautions. À mon plus grand soulagement, elle parle un peu anglais et après les formalités d’arrivée, j’ai accès à ma chambre pour un rafraîchissement bien mérité. Une heure plus tard, perdue dans mes pensées au restaurant de l’hôtel, j’essai d’imaginer ce que sera ma vie pendant les 9 prochains mois à la lumière de mes premières impressions chinoises. Ce que je ne sais pas alors que je tente d’agripper avec mes baguettes des nouilles glissantes et boit goulûment ma Tsingstao, c’est que la réalité découverte à Pékin ne me préparerait aucunement à ce qui m’attendait à Shangqiu.

Friday, August 20, 2010

Prologue - Et le commencement dans tout ça?

Vous connaissez tous l’expression ''L’herbe est toujours plus verte chez le voisin''; ce dicton devant normalement nous faire comprendre que nous cherchons toujours à atteindre un idéal miroité chez ledit voisin et que finalement nous devrions probablement nous contenter de ce que nous avons au risque d’être déçu. Et bien cette expression est probablement véridique sauf pour une profession : l’enseignement. Et le pâturage verdoyant recouverts de pâquerettes, de papillons affectueux gros comme des pamplemousses et de petits enfants qui courent avec des sucettes est... la Chine. En Chine, un professeur peut enseigner pratiquement à temps partiel à un groupe d’étudiants dociles et travaillants tout en gagnant suffisamment d’argent pour vivre bien au-dessus de la classe moyenne, voyager dans tous les pays avoisinants et prendre 4 mois de vacances par année. Vous me direz sûrement qu’il y a des désavantages… Évidemment! Sinon tout enseignant nouvellement gradué... et nouvellement traumatisé par un groupe d’ados désabusés de la dernière polyvalente du coin ferait ses valises pour y déménager. Les classes nombreuses, la difficulté de communication, le manque de technologie (''The Great Firewall of China'') et les conditions sanitaires sont tous des obstacles qui peuvent rapidement transformer n’importe quel voyageur intrépide en un gamin pré-verbal qui n’arrive plus à traverser seul la rue.
Mais chaque automne, grâce à un bombardement de publicité sur le web (''Teach English in China'', ''Learn the language while travelling'', ''No Chopsticks, no problem'') et de nombreuses agences de recrutement, un nombre impressionnant d’enseignants migrateurs s’exilent au pays de Mao pour tenter leur chance (et leur fortune) de l’autre côté de la terre. Pour certains, le choc culturel et l’herméticité de la société chinoise est un obstacle trop difficile à surmonter et ils quittent le pays, classant leur expérience dans la catégorie ''histoire intéressante à raconter pour impressionner mes amis''. D’autres s’intègrent du mieux qu’ils le peuvent et se font une vie en marge de la population chinoise, échangeant le sentiment d’appartenance avec leur pays d’origine pour les avantages sociaux de leur statut d’étrangers en Chine. Dans les grandes villes comme Shanghai et Pékin, les expatriés arrivent à se regrouper en communautés et à vivre une vie presque normale, imposant souvent (avec l’aide des jeunes chinois) le mode de vie occidental sur ce pays qui s’approprie, à sa façon, chaque culture qui s’y aventure. Cependant, dans la campagne chinoise, où l’anglais est seulement utilisé entre les quatre murs de la salle de classe et où les étrangers sont pointés du doigt, parfois insultés et pris en photos à chacune de leur sorties, la survie (et la persistance) d’un prof étranger est beaucoup plus difficile. Voire même précaire… Et c’est exactement ce qui m'attendait dans la prochaine année.
Lorsqu’un recruteur contacté sur internet m’a offert un poste dans la ville de Shangqiu, province d’Henan, j’ai sorti ma carte de la Chine. Après avoir sillonné des yeux la côte Est et le Sud (les endroits plus ''connus'') sans trouver cette petite ville, j’ai dû me faire à l’idée qu’elle devait plutôt être bien cachée dans les terres… pas comme le Tibet ''dans les terres'', mais tout de même tellement loin de la côte que l’air marin ne nous atteindrait jamais. C’est alors que j’ai repéré le Henan. LA province mal-aimé de la Chine qui se situe presque à distance égale entre Shanghai et Pékin. J’apprendrais beaucoup plus tard que lorsqu’on avoue aux chinois qu’on vient de cette région, leur attitude change, nous prenant soudainement pour des paysans ayant reniflé un peu trop de purin de Yak.  Alors ce n’était pas Pékin et certainement pas Shanghai, mais peut-être que ce petit village charmant saurait répondre à mes besoins d’exotisme. Avec ma nouvelles maîtrise en poche et aucunes attaches, j’étais la candidate idéale pour tenter ma chance en Chine et je voyais plutôt la campagne chinoise comme une opportunité d’apprendre la langue dans un contexte authentique et de m’installer dans un environnement qui ne serait pas une des plus grandes villes du monde. Ce qu’on peut être naïve à 22 ans…

Alors que je quittais finalement Ottawa pour la Chine, je n’avais qu’une seule chose en tête : ''Faites qu’il y ait bel et bien quelqu’un à l’autre bout du trajet pour me récupérer!!''.