Saturday, June 18, 2011

Bienvenue au Canada

La porte de l’avion s’ouvre laissant passer les passagers excités. Assommée par la fatigue, je m’empare de ma petite valise et suit la foule jusqu’au terminal. Cette fois-ci je n’espère pas qu’il y ait des clowns, des ballons ou un orchestre, mais bien que comme par magie, la passerelle se termine et que je sois de retour à Shanghai. Malgré les panneaux en anglais et en français qui m’entourent, mon cerveau a de la difficulté à accepter qu’il est bel et bien au Canada. Ma vie que j’y aie laissée il y a quelques mois semble tellement lointaine et mes souvenirs chinois si frais que mon cœur ne m’a visiblement pas suivi de ce côté de l’Océan Pacifique. En marchant je me questionne. Est-ce que Shannon et Brett sont arrivées à Shangqiu? Adam a-t-il réussi à avoir son billet pour le train de nuit? J’espère que Naïk a aimé son spectacle d’acrobaties.  Habituée à pouvoir envoyer des messages textes à mes amis pour un oui et pour un non, mon isolement se manifeste gravement lorsque je me retrouve coupée de mon moyen de communication.
Le terminal de l’aéroport d’Ottawa est complètement vide et comme pour me permettre de reprendre ma contenance avant les retrouvailles, notre avion est arrivé à la porte la plus loin de la bâtisse. En marchant, je me force à revenir au moment présent. Dans seulement quelques secondes, je me retrouverai devant mes parents et je ne serai plus ''Andréanne exploratrice téméraire'', mais bien ''Andréanne, bébé de la famille''. J’aperçois au loin l’escalateur qui mène aux bagages. Plus que quelques pas. Dès que je mets le pied sur la marche du haut, je vois ma mère près du mur qui m’attends excitée, une lanterne chinoise bleue à la main et flanquée de mes deux voisins (depuis longtemps considérés comme la famille) brandissant des signes fait à la main spécialement pour mon retour. Je cherche mon père du regard et me souvenant soudainement qu’il a coupé sa moustache (sur sa lèvre supérieure depuis 1970) le trouve finalement plus près des marches prenant des photos. Quelques secondes plus tard, on m’étreint de tous les côtés. Je me sens comme une triathlète du voyage au fil d’arrivée, après un marathon asiatique particulièrement difficile. Comme c’est bon (et étrange) d’être chez soi. Tout le monde parle en même temps alors qu’on tire mes énormes valises du chariot. Je tourne sur place à plusieurs reprises, tentant d’absorber le plus possible mon environnement et de finalement vivre plutôt que de rêver mon arrivée au Canada.
Le trajet dans la voiture est étrange. Les véhicules autour de nous roulent tellement vite (il n’y a pas de traffic ici!) et j’ai une peur incontrôlable qu’un passant ou une voiture se jette devant notre chemin sans regarder comme ils le font si souvent en Chine. Lorsque la voiture arrive finalement à destination je découvre que ma maison est bel et bien au même endroit et que rien n’a changé… sauf moi. Je suis ma famille à l’intérieur et nous discutons jusqu’aux petites heures du matin de mon départ de Shangqiu.
Les émotions se bousculent avec frénésie : La joie d’être finalement avec mes parents, la fatigue du long voyage, la frustration de ne pas pouvoir tout leur expliquer et leur montrer, la mélancolie des aurevoir si frais, mais surtout la peur de rejoindre mon lit et de ne pas m’endormir en Chine pour la première fois. Cette constatation me pèse sur les épaules comme une finalité sans équivoque. Bientôt, je devrai dire qu’''hier j’étais en Chine'', ''la semaine dernière…'',  ''le mois dernier…''. Je ne veux pas tout de suite mettre dans le passé MA Chine et j’ai peur d’oublier trop vite. Oublier le poulet Kung-Pao fumant du restaurant Chongking. Oublier l’odeur de mon appartement et de la brise chaude qui entrait par la fenêtre. Oublier les sons du matin (aussi dérangeant soient-ils) alors que le campus se réveille. Oublier les couchers de soleil qui se reflétaient dans le lac. Oublier mon mandarin et les conversations avec les chauffeurs de taxis. Oublier l’excitation de mes étudiants lorsque j’entrais dans la salle de classe. Oublier le regard amoureux d’Adam me trouvant tout le temps dans n’importe quelle foule. Oublier ma complicité avec Shannon et sa manière de me rappeler que ''You ARE home''. Oublier les ''Hello Andy'' lancés à tous vents par les étudiants. Oublier que n’importe quoi se mange avec des baguettes. Mais surtout j’ai peur d’oublier qu’il y a un an, je ne savais absolument rien de ce qui m’attendait et je suis sortie de l’avion à Pékin en espérant voir un clown, des ballons…

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